29.3.08

Fondu au rouge

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27.3.08

Coup de vieux

Ça fait un bon bout de temps que Montréal me fait tourner en rond, que je l'ai dans la tête. Là pourtant, elle commence sérieusement à me rentrer dans le corps. Je viens de me taper une autre nuit à slalomer dans les rues démolies de la ville. J'ai le dos qui me crie vengeance et les épaules qui m'élancent. Des signes qui ne trompent pas. Je commence à me faire vieux.

L'autre soir, je roule dans le centre-ville quand mon téléphone sonne.

— Allo c'est Roxanne, comment ça va?

— Salut Roxanne ça va bien et toi?

— Ça va bien. Peux-tu venir me chercher?

Je fais semblant de rien et tente d'étirer la conversation. J'essaie de gagner du temps, car je n'ai pas la moindre idée avec qui je parle. Il m'arrive de temps à autre de laisser mes coordonnées à des clients. Je détermine assez rapidement qui est à l'appareil quand on m'appelle, mais là, j'ai beau travailler fort pour faire connecter les bons neurones, je n'arrive pas à déterminer qui c'est cette Roxanne. C'est encore plus flou lorsqu'elle me donne une adresse dans Parc-Extension. C'est un peu loin d'où je me trouve et ça m'embête un peu de traverser la ville pour aller jusque-là. Surtout pour quelqu'un que je n'ai pas l'impression de connaître. Je lui demande alors un peu mal à l'aise :

— Excuse-moi Roxanne, mais comment t'as eu mon numéro?

— Ben là! Tu me reconnais pas? Roxanne la fille d'Éric et Jolène!

— Ah Roxanne! Je te niaisais...

Pas pantoute. Je ne l'avais pas reconnue du tout. La fille de vieux amis à moi. Une enfant que j'ai vue aux couches, que j'ai vue grandir et devenir une belle jeune femme. Pourtant quelque part dans le fond de mon crâne, Roxanne c'est toujours la petite fille de mes amis. Pas cette jeune femme qui commence à sortir tard le soir ou du moins assez tard pour appeler des taxis de nuit. Ça m'a foutu un coup de vieux. Un autre. Ben oui c'est là que t'es rendu, mon Léon...

Qu'est-ce que je peux ajouter? Avant je m'éclatais à fond la caisse. Maintenant je m'éclate au fond d'une caisse. À bien y penser y'a pas grand-chose qui change. La roue continue de tourner. On vit, on vieillit, on prend ce qui passe, on en laisse aussi au passage. Échange de bons procédés?

Cette nuit, la route m'a filé un sale coup de blues. Assez pour que je parque le taxi. Assez pour réfléchir à mon avenir. Habituellement je roule pour m'étourdir, pour oublier le temps qui passe, le temps perdu. Cette nuit, j'écris. Des signes qui ne trompent pas...

25.3.08

Passé tout droit...

Je devais vraiment être dans la lune pour manquer ça !

23.3.08

Lapin de Pâques

J'avais en tête un long billet où il aurait été question de pleine lune, d'oeufs de Pâques et de semaine sainte. Mais j'ai cabriolé dans tellement de cratères et de nids-de-poule que j'en ai complètement perdu mon latin. Je me suis tellement fait brasser que ce matin, je suis amorti, je manque de ressort. Dans deux, trois jours, je rebondirai! Joyeuses Pâques mes cocos! ;-)

18.3.08

Une nuit sur Terre

Les nuits et les semaines se suivent, se ressemblent, mais chacune m'apporte son lot de surprise, de belles rencontres et de beaux détours. Il y a quelque temps j'ai reçu un charmant courriel me demandant si j'accepterais de participer à un petit documentaire sur Montréal vu de mon taxi pour une série télé néerlandaise. L'idée s'inspire du film « A Night on Earth » de Jim Jarmusch, un réalisateur que j'aime vraiment beaucoup. Plusieurs équipes à travers le monde proposeront une nuit sur Terre à partir du regard d'un chauffeur de taxi. Il y aura entre autres lieux, un taxi à Moscou, un taxi à Kaboul, un taxi à Berlin, je serai un taxi à Montréal.

C'est donc en compagnie d'Annick, Ernest et Karen de l'équipe de Kondololé Films que j'ai passé ma nuit de samedi. Une belle et longue déambulation nocturne dans les rues enneigées d'une ville fébrile. D'entrée de jeu, des cohortes de gyrophares se pressant vers le square Émilie-Gamelin pour contrer les manifestants contre la brutalité policière. Ça a commencé en brassant et vu la quantité astronomique de cratères dans les rues de la ville, ça n'a pas arrêté.

Nous nous sommes attardés dans Griffintown, un quartier en voie de disparition, nous sommes allés sur l'île Sainte-Hélène où nous nous sommes arrêtés pour voir un fleuve Saint-Laurent déjà bien gonflé en cette fin d'hiver. On a roulé au hasard de la route et de la conversation. Je les ai amenés dans des rues que je parcoure inlassablement nuit après nuit. Un bel itinéraire ponctué par les déneigeuses et par les touristes venus fêter la Saint-Patrick.

Après une bonne bouffe chez Bonnie, ils ont installé une petite caméra sur le capot du taxi et j'ai vraiment hâte d'en voir les résultats. Surtout les images captées dans le tunnel Ville-Marie ou encore celles sur la Catherine où je tricote dans un trafic assez intense.
Pour terminer, on a embarqué quelques passagers qui ont accepté de se faire filmer le temps d'une course. J'ai bien aimé ce type qui se demandait si trop de bière verte pouvait changer la couleur de sa pisse. Le genre de conversation qui laisse des traces. ;-)

Une bien belle nuit sur terre — ou sur neige en ce qui nous concerne — en compagnie de gens sympathiques dévoués à leur art. Tout comme vous, j'ai bien hâte de pouvoir mettre mes yeux sur le résultat de cette belle aventure. Bientôt sur un écran près de chez vous!


Tiens tandis que vous êtes encore là, j'en profite pour vous inviter à aller faire un petit tour du côté du Passe-Mot. Venise nous fait part de ses coups de coeur littéraires et son dernier billet me touche particulièrement... Merci.

14.3.08

Délire entre les lignes

12.3.08

Accomodements d'hiver

Après avoir perdu une bonne heure dans le parking de ce centre d'achat, je redescends vers le centre-ville en compagnie de la cousine de ma dernière passagère. Le temps qu'elle prenne place, j'ai vérifié si mes manoeuvres pour dégager le taxi n'avaient pas trop abîmé les pneus. Celui de gauche n'est plus ce qu'il était, mais celui de droite me semble encore capable de faire la job. N'empêche que la tempête redouble d'intensité et je commence sérieusement à me demander si je vais être capable de passer au travers. Mais après avoir déposé la cousine à l'hôpital Notre-Dame, quelqu'un se précipite dans l'auto et finalement les clients vont continuer de se succéder comme ça toute la nuit.

Vers trois heures, je conduis un homme qui s'en va travailler à la gare Centrale. Quand je pénètre dans l'accès qui y mène sur de la Gauchetière, j'aperçois une foule de gens bien en file avec leurs valises qui attendent bien patiemment un taxi. Comme de raison, mon client n'a pas encore fini de me régler sa course que déjà on se presse vers mes portières. J'ouvre le coffre de l'intérieur et vais aider mes prochains passagers avec leurs valises. On en rentre deux immenses — encore une chance que ma pelle n'y soit pas — et l'on en met une troisième sur la banquette. Une femme s'assoit à mes côtés avec ses bagages à main.

Ils sont partis de Toronto depuis une dizaine d'heures. Le train devait arriver à 23 h. Quatre heures de retard ce n'est quand même pas si mal avec ce temps. La femme à côté de moi veut aller à Outremont, les deux autres à Côte-des-Neiges. Un quartier qui porte bien son nom en cette nuit. La femme qui est à côté de moi est juive, les deux autres arabes. Je me demande s'ils auraient partagé le même taxi en temps normal. Le plus sympa c'est quand l'homme derrière demande à la femme s'il peut l'aider avec sa valise quand elle descend du taxi. Un beau geste de solidarité humaine que je me dis en secouant pour la centième fois de la nuit mes essuies-encroûtés-de-glace.

Je repars avec le couple vers leur quartier enneigé. Van Horne, à droite sur Wilderton et je descends vers la gauche sur une rue Kent réduite à une voie. Je ne fais pas cent mètres que je tombe face à face avec un gros Navigator qui m'empêche d'aller plus loin. Il attend qu'un quidam ait fini de dégager sa voiture pour s'y stationner. Je m'approche lentement et le type à l'intérieur de l'immense 4X4 me fout ses « hautes » en plein visage. La classe. Je sors furieux du taxi et m'approche du véhicule. À son bord trois « gangstas » qui se la joue à fond les basses. Ils me regardent arriver en gloussant. Je ne me laisse pas impressionner et me dirige vers le chauffeur qui semble sortir d'un mauvais vidéo-clip. Il ne manque que deux trois filles en bikini pour que la scène soit parfaite.

— I can't back-up all this street yo! Me dit-il quand j'arrive à côté de lui.

Je viens de descendre une petite côte et je sais que je ne pourrai pas reculer non plus. Je lui dis qu'avec son 4X4 il a pas mal moins de chance de se prendre que moi s'il se tasse sur le côté. Il me sourit baveusement et va se reculer dans un petit banc de neige. En temps normal, j'aurais pu passer facilement dans l'espace qu'il me laisse. Mais l'auto est comme dans des rails formés par deux profondes ornières. Si je quitte ma voie pour contourner le Navigator je vais me prendre, je le sais et je n'ai pas envie de me retaper une autre séance d'avance, recule, ni de payer pour me faire sortir de là. Je ressors donc du taxi et regarde derrière celui-ci. Si je recule d'une trentaine de mètres, il y aurait une place dans une sortie de garage pour que le 4X4 s'y installe et que je puisse continuer sans m'embourber. Je retourne donc vers les blacks leur expliquer le plus calmement possible ma vision de la chose. Ça m'a tout pris pour reculer dans la petite pente, mais j'y suis arrivé. En recroisant le type du Navigator, je lui ai fait un signe de « peace » avec deux doigts. Pas mal plus adéquat qu'un signe avec un seul.

Finalement, le couple à mon bord n'habite pas au même endroit. Après avoir déposé madame sur Kent, on poursuit notre route. En m'approchant de la fin de la rue, un autre 4X4 y tourne. Je flashe mes hautes en accélérant un peu pour qu'il attende que j'en sorte. Il recule et je lui envoie la main pendant que mon client me félicite de ma conduite. Je lui renvoie la balle en lui parlant de la valise de la madame d'Outremont. On a pas vraiment le temps d'en discuter, car pendant que nous attendons à la lumière de Côte-Sainte-Catherine, y'a un homme qui semble désespéré qui agite la main dans notre direction. J'ouvre ma fenêtre et lui dis de monter. Mon client ne va plus très loin et je sais que ça ne l'embêtera pas de partager le taxi avec ce passager qui va me demander de le conduire à la place Bonaventure sur de la Gauchetière. Au même endroit où cette accommodante course a commencé.

10.3.08

Répondre à la pelle

Je rage d'avoir laissé ma pelle chez moi. Depuis le début de la soirée, je me répète : faut que je passe à l'appart la récupérer. Mais les clients se succèdent et m'éloignent de plus en plus du fatidique objet. Et je suis là, dans ce stationnement de centre d'achat à Montréal-Nord calé jusqu'aux essieux. Je tente avec mes pieds d'ôter cette neige épaisse et trempe d'autour des roues pour m'extirper de là. J'ai les pantalons mouillés, la sueur me coule le long du dos et je pense toujours à cette maudite pelle bien au chaud dans mon portique.

Je retourne à bout de souffle m'asseoir dans le taxi. Je finis de boire mon reste de café froid et me tourne vers ma cliente qui n'a pas l'air de s'en faire outre mesure. Elle parle au téléphone et même si je ne comprends pas le créole, je me doute bien qu'il est question de moi. Je l'ai embarquée au métro Viau où je venais de déposer une autre cliente et c'est elle qui m'a demandé de passer par ce satané parking. Avec la neige qui faisait rage, je n'ai pas aperçu un trottoir de ciment enseveli. C'est en braquant à la dernière seconde pour l'éviter que je me suis embourbé. J'avance, je recule. J'avance, je recule. J'avance, je recule. Je réussis à faire bouger le taxi un peu, mais pas assez pour prendre l'élan nécessaire pour me sortir de cette mélasse.

Je me tourne donc vers ma passagère et lui dis de prendre le volant, question que j'aille pousser le véhicule.

— Mais je n'ai jamais conduit de ma vie!

— N'est jamais trop tard pour apprendre.

Je lui explique rapidement les rudiments de l'embrayage et me voilà à pousser comme un vieux boeuf après le taxi qui « spinne par dessour ». Je retourne ôter de la neige autour des pneus, mais je commence à me résigner. Ça fait une demi-heure que je m'échine et l'auto n'a parcouru qu'une demi-longueur. Ma nuit semble fichue. De retour dans le véhicule ma cliente est tout sourire. Je lui dis qu'elle pourra mettre chauffeuse de taxi dans son C.V. et malgré tout, je rigole avec elle. Je tente une dernière fois d'aller ôter de la neige et quand je reviens dans le véhicule, ma cliente me dit que sa cousine qui reste à deux rues de là, s'en vient nous porter une pelle!

Elle arrive quelques minutes plus tard et je la remercie d'avoir répondu à la pelle. Elle s'esclaffe tellement de bon coeur que je ne peux m'empêcher d'y mettre du mien à la tâche. Je pellette une dizaine de minutes, mais on reste toujours pris. Je suis trempe à lavette et je suis sur le point de tout abandonner quand arrive une remorqueuse. Il s'approche du taxi et me dis qu'il me déprend pour 40 $. Ce n’est pas donné, mais je ne suis pas bien placé pour négocier. Il accroche le taxi, me recule d'une vingtaine de mètres et me laisse là dans pas moins épais de neige. Je suis abasourdi. Le gars me dit que si j'ai encore besoin de lui, il n'est pas très loin et que ce sera un autre 40 $ ! Dans le genre rapace, j'ai rarement vu pire.

Comme de raison, je reprends mon élan pour sortir du stationnement et je m'embourbe de nouveau. Ça fait presque une heure que je niaise là. En plus de perdre du temps précieux d'ouvrage, je me fais voler de 40 $ et je ne suis pas plus avancé. Mes clientes sont aussi désemparées que moi. Elles restent avec moi, car je me voulais le chauffeur attitré d'une autre cousine qui n'arrive pas à se trouver de taxi pour aller travailler à l'hôpital Notre-Dame. Je tente alors une dernière fois de me sortir de là. J'empoigne de nouveau la pelle et fais le tour du taxi en libérant le plus possible de neige autour des pneus. Dans le fond du parking, la remorqueuse est toujours là et j'm'imagine bien le gars en train de rire dans sa barbe attendant que je lui demande une autre fois qu'il vienne me sortir de là. Je redouble d'ardeur sur la pelle et après une autre dizaine de minutes de pelletage intensif, je retourne m'effondrer derrière le volant. Je dis à mes passagères de faire une petite prière et m'élance de nouveau. Le taxi se met à bouger et j'arrive à lui faire prendre juste ce qu'il faut de vitesse pour l'amener vers la sortie du stationnement. J'ouvre ma fenêtre et pointe un doigt d'honneur vers la remorqueuse en criant dans l'auto: « Fuck you astie de towing à marde! » quand le taxi s'embourbe dans le dernier petit tas de neige qui me sépare du boulevard Pie IX. Merde...

J'imagine que les prières de mes clientes ont été plus fortes que mes blasphèmes, car j'ai réussi à me dégager du monticule et à me rendre jusqu'à chez elles. J'ai ensuite reconduit l'autre cousine jusqu'à l'hôpital, où une autre client m'attendait, puis un autre, puis un autre, puis un autre. J'ai failli resté pris encore une couple de fois dans la nuit. Mais j'ai réussi à garder le taxi en mouvement et permis à quelques âmes en peine de regagner leur port d'attache. Ma nuit s'est étirée jusque tard dans l'avant-midi. Difficile de se confronter à l'hiver de manière aussi intense. 16 heures d'ouvrage dans la pire tempête de l'année.

Dans la matinée, je débarque sur le plateau un couple qui sort d'un after-hour. J'en ai plus que ma dose et décide d'aller me coucher quand je vois deux dames qui agitent désespérément le bras en ma direction. Bon OK me dis-je, une dernière course puis j'arrête. Elles me demandent de les amener à Montréal-Nord dans un centre d'achat sur Pie IX... Je me demande pourquoi je n'ai pas été surpris de retourner dans mes traces! ;-)

Ce matin, j'ai mal partout, mais j'ai la tête remplie d'images incroyables. J'ai des dizaines d'anecdotes savoureuses à raconter. Celle-ci en était une parmi beaucoup d'autres. J'espère qu'elle vous a plu! Bonne fin d'hiver!

4.3.08

Côté Givré